ENCORES
— Boris Achour
7th June, 2018 — 14th July, 2018ENCORES
7th June, 2018 — 14th July, 2018 , Galerie Allen
ENCORES
7th June, 2018 — 14th July, 2018 , Galerie Allen
ENCORES
7th June, 2018 — 14th July, 2018 , Galerie Allen
ENCORES
7th June, 2018 — 14th July, 2018 , Galerie Allen
ENCORES
7th June, 2018 — 14th July, 2018 , Galerie Allen
The Big Combo, 2018
4K HD colour video, sound and briefcase
7 mins 7 secs, briefcase : 34,7 x 43 x 9,5 cm
courtesy the artist and Galerie Allen, Paris
counterfactual preshaped mattress, 2018
wood and papier maché
124 x 90 x 6 cm
photo : Aurelien Mole
courtesy the artist and Galerie Allen, Paris
Papamoule, 2017
Patinated bronze, pipe case
18 x 13 x 4 cm
Courtesy the artist and Galerie Allen, Paris
Lalalampe (chapitre 1), 2018
mixed media
166 x 46 x 46 cm
photo : Aurelien Mole
courtesy the artist and Galerie Allen, Paris
I'm a poor lonesome artist (Encores), 2018
pencil and ink on paper
32 x 32 cm
photo : Aurelien Mole
courtesy the artist and Galerie Allen, Paris
's not dead, 2016
Hanger
103 x 5 cm
Courtesy the artist and Galerie Allen, Paris
Press release
(English below)
Répète, et répète encore.
Encore est un mot à double-fond, puisque la langue anglaise l'a presque unanimement adopté pour désigner ce rituel du retour d'un artiste sur la scène pour une ultime performance après la fin pourtant présumée du spectacle. Un bis qui pousse souvent à se demander, quand l'artiste réapparaît pour régaler son public, si la personne en question avait planifié ce rappel tout en ne donnant au quasi-final que l'apparence d'une fin définitive. C?est précisément ce laps de temps intermédiaire, qui détermine à quelle fin on a affaire, qu'il s?agit de prendre en considération. Ce que nous cherchons s'est peut-être déjà présenté à nous sous un aspect qui nous échappe. De même, une maîtresse de cérémonie adroite en la matière saura nous entraîner dans la direction de son choix, en nous demandant de poursuivre un quelque chose qui s'écarte de ce que nous pensions venir chercher. Boris Achour, à travers son art, n'agit pas autrement, et pourtant l'impression qu'il reste dans notre camp persiste, comme s'il était assis à nos côtés, dans les gradins de son propre théâtre.
La nouvelle d'Edgar Allan Poe intitulée La Lettre volée repose tout entière sur le procédé qui consiste à disposer une chose de manière si évidente qu'elle en devient invisible. Cette histoire a servi d'exemple au philosophe et psychanalyste Jacques Lacan pour illustrer son concept de chaîne signifiante, qui renvoie à l'ordre et à l'emplacement des symboles les plus importants de notre inconscient. Comme le présentateur d'un spectacle, Achour nous dirige vers ce qu'il veut nous faire découvrir, parfois caché mais prêt à se révéler pour qui prend la peine de regarder. Son travail résulte donc bien souvent d'un mélange entre quelque chose de connu (et de rassurant) avec quelque chose d'inconnu (et source de gêne). De cette dualité jaillit le sentiment que nous sommes confrontés à quelque chose qui restait invisible, mais que nous le percevons cette fois de l'intérieur.
L'artiste choisit de jouer avec les limites de notre zone de confort à l'aide d'objets et de meubles tirés d'un passé proche et familier. En les tordant de différentes manières, Achour encourage l'apparition de nouvelles fonctions et significations, propose des considérations inédites et suscite des schémas de pensée intérieure.
Il suffit de regarder, par exemple, le grand lampadaire dont la base soutient un texte rétro-éclairé qui descend en spirale le long de l'abat-jour. Achour nous invite à tourner autour de cette source lumineuse, face à l'étourdissante spirale de l'inscription, qui se donne et se soustrait simultanément à notre entendement. En l'intitulant Lalampe, il renvoie au concept de « lalangue » forgé par Lacan pour désigner un état de pré-langage comme celui qui sert à la communication entre une mère et un nouveau-né.
Fournissant un méta-regard sur l?exposition et l'oeuvre d'Achour tout entière, The Big Combo, 2018, mélange film et sculpture : c'est un assemblage d'assemblages. En utilisant à la fois des séquences filmées et d'autres en animation 3D, le film oscille lui-même entre réalité et fiction, par le biais d'une séquence inspirée de vidéos pédagogiques dévoilant les étapes de construction d'un objet à la fonction inconnue. La superposition de références et d'objets fournit au spectateur une intense grille de lecture en combinant des éléments d'une précision toute machinique (qui pourraient provenir d'une arme, d'une caméra ou d'un instrument de mesure) à d'autres d'apparence organique (une branche d'arbre torsadée et nouée ou peut-être même le fameux cigare de Lacan ?). Le tout émaillé de plaisanteries et de références abstraites renvoyant à la propre production artistique de Boris Achour.
Ce mélange de composants, qui seraient ailleurs incompatibles, nous invite dans une sorte de non-réalité filmique qui n'appartient ni à l'avenir ni au passé. Cet ancrage se renforce lorsque l'on reconnaît une même mallette présente à la fois dans le film et posée sur le sol de la galerie. Cet objet clos, se dérobant et pourtant quelque peu inquiétant, aide à matérialiser hors du film l'instrument mentionné plus tôt.
Peut-être plus sobre, mais tout aussi adroit et précis, Papamoule, 2017, est un moulage en bronze de l'espace vide contenu dans un vieil étui à pipe. Le bronze ne remplace pas la pipe elle-même, il remplit le vide que nous cause sa disparition. L'oeuvre peut d'ailleurs fonctionner que l'étui soit ouvert ou fermé, et cette existence sur plusieurs plans renforce sa dualité, ancrée dans la complémentarité entre le vide et le solide. Le choix d'un titre en forme de jeu de mots évoque plusieurs points d'entrées au sein de l'oeuvre, puisque le bronze a bien dû sortir d'un moule pour conserver une empreinte, sans taire pour autant la référence au coquillage, la moule qui se blottit dans sa coquille et dont la couleur foncée n'est pas sans rappeler curieusement celle du bronze, lui aussi mis au repos sous sa forme enveloppée. Sans compter les connotations sexuelles qui se rattachent à ce mot en français.
S'affirmant sans gêne aucune entre sculpture et peinture, une nouvelle oeuvre, constituée d'un matériau aussi commun que le papier mâché, impose une présence à la fois remarquable et floue. Si l'on devait la percevoir en tant que tableau, on pourrait la rapprocher d'un Mondrian aux contours indistincts, comme si les couleurs et les rigueurs de la forme avaient glissé de son cadre. Ressemblant à présent à une étagère un peu vague, l'oeuvre ne pourrait pas fonctionner selon ces critères. Malfaçon ou image jugée sans objet, l'oeuvre échappe ainsi à la sévère autorité du référentiel moderniste, déformée par une dissidence toute en désinvolture.
La fascination de Boris Achour pour le langage est encore plus évidente dans LLV (La lettre volée), 2018, qui se réclame directement de la nouvelle de Poe. Un jeu de trace-lettres pour enfant est rendu inutilisable par la disparition d'une des 26 lettres indispensables qui le composent à l'ordinaire. Fruit d'un sabotage volontaire ou objet véritablement mis au rebut pour défaut de fabrication, il met à jour l'une des profondes motivations de son auteur : ce que l'on voit en premier en découvrant l'oeuvre, ce n'est pas ce qui est montré, mais cette chose singulière qui y manque. Face à cette oeuvre, révélatrice des positions de Lacan sur les questions de signification, de sens, et de la manière dont on construit des opinions et des vérités, nous réalisons que les plus grands problèmes posés par notre inconscient sont précisément de ceux qui se cachent sous notre nez et que l'on évite parfois trop soigneusement.
Véritable bis, ou rappel sur scène, le réaccrochage de l'oeuvre la plus déroutante de la dernière exposition de l'artiste à la galerie, 's not dead, 2016, soulève encore plus de questions. Un cintre flaccide, si détendu qu'il en aurait perdu jusqu'à sa forme, demeure inébranlable dans sa langueur, à l'exception notable de son crochet recourbé. Ce retour cyclique, comme après une migration, renvoie dos à dos les notions de mode ou de réinvention, leur préférant la récurrence des petits fléaux - comme ce moustique dont vous pensiez être débarrassé, l'eczéma qui devait pourtant disparaître au sortir de l'adolescence, ce cauchemar qui revient sans cesse, ou des souvenirs désagréables pourtant gravés dans notre mémoire. Pour le spectateur, l'oeuvre a de quoi évoquer un point d'interrogation ou une apostrophe, même si l'artiste insiste pour y voir un point d'exclamation, rappelant la teneur de son obsession pour le langage ainsi qu'un sens de l'optimisme et de la détermination.
La succession d'oeuvres qu'Achour présente pour Encores invite à reconsidérer la nature du langage à l?aune de la valeur que possèdent les choses incomplètes. Cette exposition part d'une faute d'orthographe (et pourtant, pourquoi ne pourrions-nous pas mettre au pluriel un mot qui renvoie directement à la répétition ?) pour arriver à des oeuvres dont le fonctionnement est volontairement fautif, qui occultent entièrement leurs éléments les plus importants ou d?autres qui se soustraient à une simple résolution. Plutôt que de les mettre à mal, ces excentricités sont précisément ce qui fortifie et éclaire leurs aspects les plus passionnants. À travers une insistance répétée et par la contemplation de ce qui se cache sous nos yeux, nous revenons ainsi pour ce rappel qui nous était bien réservé.
Traduit de l'anglais par Noam Assayag
ENGLISH :
Repeat then repeat repeatedly.
The word encore, as we co-opt it into the English language, most often refers to the return of a performer after their purported final performance. Regularly we are left wondering, when a performer returns to gratify her audience once more, if she had already pre-planned that return presenting the quasi-finale as the real thing. And hence the importance of the interim space and dedicated subject is now to be readdressed.
At times, what we are seeking may have already presented itself as something else. An accomplished master of ceremonies can lead us in the direction she wants, she asks us to search for something other than what we believed we were looking for. Boris Achour does the same through his art, but somehow we still retain the feeling he is playing on our side sitting next to us in the audience of his own theatre.
Placing the subject matter in a place so obvious that it becomes invisible is the technique and theme of Edgar Allen Poe's short story The Purloined Letter which was later the example used by the French philosopher and psychoanalyst Jacques Lacan to exemplify his theory of the significance chain, being the location and order of the most important symbols in our subconscious. As the master of ceremonies in his theatre, Achour directs us towards things he wants us to discover, sometimes hidden but evidently present if we are willing to look. The work is regularly a mélange of something known (comfort) and something unknown (discomfort). This duality results in the feeling that we are being exposed to something unseen but from within.
In a playful way the artist challenges our comfort zone using furniture and tools from the near past. Twisted in different ways, Achour encourages new meanings and functions, poses new considerations and elicits inner thought patterns. For instance, the modified base of his tall floor standing lamp supports an illuminated text that revolves around the lamp shade, inviting us to rotate around the light source, its dizzying corkscrew cipher both giving and resisting comprehension. Entitled Lalampe - the work acts as a nod to Lacan's term "lalangue" signifying pre-language communication such as that used between a mother and newborn.
The film/sculpture combination of The Big Combo, 2018 has an inherent meta quality for the exhibition and Achour's oeuvre as a whole as it acts as an assemblage of assembled parts. Employing both film and instructional animation techniques Achour oscillates between reality and fiction confounding us with a 3D animated sequence presenting an impossible construction of an instrument with an unknown function. Combining machine precision (possibly a weapon, a camera, a measuring instrument) with organic elements (possibly a twisted and knotted tree branch or even Lacan's famous cigar?) and abstract in-jokes to his personal art history, the layering of references and objects form a dense cross-section for the psyche. A melding of normally incompatible elements presumes a kind of film non-reality neither past nor future accompanied by the reinforced physicality of the same briefcase seen in the film posed upon the gallery floor. Closed, reserved and foreboding, this object sits outside of the film alluding to the aforementioned instrument.
Comparatively more reserved but just as precise and deft, Papamoule, 2017 is a bronze cast of the empty space within an old smoking pipe case. The bronze does not replace the pipe but fills in the emptiness that the missing pipe has given us through its disappearance. The artwork functions when the case is both closed or open and this multiple existence enforces its duality and the complementary relationship between the solid and the void. The title's play on words conjures many entry points into the work referencing the moule (French for the mould that this bronze work is cast from) and simultaneously moule (French also for the mussel - that intriguing mollusc embraced by its deep brown shell which is curiously similar in colour to the bronze now resting as the enveloped form), plus many purposeful sexual connotations.
Unselfconsciously between sculpture and painting a new piece in the materially democratic papier maché has a formal but loose presence. As a painting we might imagine it as an imprecise Mondrian, as if the colour and the strictness of form has slid from the tableau. Resembling now a type of imprecise shelf, the piece could not function as such. A defect or a considered image without purpose, the authoritarian severity of the modernist grid has been deformed with casual dissidence.
Achour's fascination with language is explicit in LLV (La lettre volée) 2017. A precise reference to Poe's short story, a child?s alphabet stencil is rendered useless as it misses one of the essential 26 letters. This orchestrated malfunction or forced factory second reveals the artist's key motivations as the first thing you notice when you encounter the piece is not what is shown but the single element that is missing. Viewing this work, symptomatic of Lacan's take on the problems of signification, meaning, and externally proposed opinion and truth, we consider the biggest problems, those hiding (or those we purposefully ignore) in plain sight are always the greatest in our psychic-subconscious.
An encore lies in the bewildering re-hanging of a work from Achour's last exhibition at the gallery. Possibly the most puzzling work from the previous exhibition, 's not dead, 2016 raises more questions upon its return. A flaccid coat hanger, so relaxed it has lost its form, languors unswerving save its curved hook. This kind of seasonal return rebukes the idea of fashion and reinvention and proposes a pest-like recursion - like the mosquito you are hoping will leave you alone, the eczema you hoped would leave after adolescence, the recurring nightmare or those unshakeable memories burned into your unconscious. To the viewer the piece may resemble a question mark or apostrophe, the artist insists on referring to it as an exclamation mark, revealing his obsession with language and a sense of optimism and resolve.
The suite of works Achour presents in Encores begs us to consider both language and the importance of incompleteness. We begin with a misspelled title (why shouldn't we pluralise a word that connotes repetition?) and we continue through works that fail to function, completely omit important elements and others that refuse to find a resolve. Rather than compromising these works, such eccentricities support and bring light to the most interesting parts of art and life. Through repeated insistence and the contemplation of that which hides in plain sight we return for this orchestrated encore.